Le BIM : la Data en mouvement

École Hexagone
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Le BIM compte aujourd’hui parmi les innovations technologiques les plus révolutionnaires. Si, au cours de ces dernières années, cet acronyme de trois lettres n’a cessé de gagner en popularité, est-on sûr de savoir ce qu’il signifie concrètement ? Présenté à la fois comme processus évolutif, maquette numérique et nouvelle méthode de travail collaboratif, le BIM semble répondre à de multiples définitions. Dès lors, comment rendre compte de ce que désigne exactement le BIM, et comment appréhender toute l’étendue de son champ d’application ? Retour sur l’histoire de cette spectaculaire avancée numérique, de son apparition à ses plus récentes évolutions.

L’acronyme anglais BIM (Building Information Modeling) peut être traduit par « modélisation des informations ou des données du bâtiment » ; le terme « bâtiment » renvoyant ici à l’ensemble des ouvrages de construction, y compris ceux relevant des travaux publics, du génie civil, ainsi que les réseaux et les infrastructures. Le sigle BIM désigne donc l’ensemble des outils numériques et des applications qui permettent la modélisation des données d’un ouvrage. Le BIM n’est donc pas simplement une maquette numérique, il constitue une méthode de travail à part entière, une manière radicalement nouvelle de collecter et de partager des données : son utilisation modifie en profondeur la conduite et la mise en œuvre d’un projet.

Mais avant de préciser davantage ses champs d’application, revenons aux origines de cette récente innovation.

Un peu d’histoire

Le BIM apparaît dans le prolongement des grandes évolutions numériques qui ont accompagné les débuts de l’informatique dans les années soixante : la naissance de la CAO (conception assistée par ordinateur) et de la FAO (fabrication assistée par ordinateur).

Alors qu’en 1957 le Dr Patrick J. Hanratty élaborait le premier logiciel FAO “PRONTO”, quelques années plus tard, en 1963, Ivan Sutherland créait au MIT Lincoln Labs la première CAO dotée d’une interface graphique. C’est Charles Eastman qui livrera dans l’une de ses publications la première esquisse de la maquette numérique en présentant un prototype de description du bâtiment nommé alors le BSD (Building Description System).

Au cours des années suivantes, le perfectionnement constant des technologies aboutira à la création de la première maquette numérique. Quant au sigle BIM, il trouvera sa première occurrence en 1992 dans un article coécrit par Robert Aish, G.A. Van Nederveen et F. Tolman. À partir du milieu des années quatre-vingt-dix, le développement de la modélisation numérique du bâtiment était engagé !

Une définition en trois dimensions

Revenons-en à la définition du terme BIM. Ce sigle peut être utilisé à la fois pour désigner :

Ce troisième aspect du BIM permet de prendre la mesure des multiples potentialités de ce nouvel outil numérique. Le caractère proprement révolutionnaire du BIM réside en grande partie dans la composante informationnelle qui est au cœur de son processus. En effet, c’est tout particulièrement le « I » du BIM, l’information, « la data », et plus précisément la manière dont ce nouveau processus permet de l’exploiter, qui constitue la plus remarquable avancée. Lorsque nous parlons du BIM comme méthode innovante, c’est avant tout en tant que processus intelligent de collecte et de partage des données que nous le considérons.

Un atout de performance pour les métiers du bâtiment

Dans le secteur du bâtiment, le BIM peut être utilisé dès les premières étapes d’un projet ; un audit BIM peut même être effectué au préalable afin de déterminer la faisabilité des travaux envisagés. Dans le cadre de projets de rénovation, le recours au BIM permet de définir la nature des travaux à effectuer, de les hiérarchiser par ordre de priorité et d’identifier les axes à développer en vue d’améliorer les performances énergétiques du bâtiment. Grâce aux simulations virtuelles, il est désormais possible de détecter avant même la mise en œuvre du chantier les problèmes qui pourraient survenir au cours de la construction, et d’anticiper les solutions d’exploitation et de maintenance du bâtiment tout au long de son cycle de vie.

En centralisant l’intégralité des données du bâtiment et toutes les informations relatives au projet, le BIM facilite la coordination des différents intervenants et améliore grandement la qualité et l’efficacité des interventions. La possibilité d’anticiper les risques et de pré-visualiser l’intégralité du cycle de vie de l’ouvrage – de sa conception jusqu’à sa démolition et au recyclage de ses matériaux - modifie en profondeur la manière de se rapporter au bâti. La modélisation de ces données est permise par la maquette numérique, qui constitue donc “le centre” du BIM, sans toutefois concentrer tout l’intérêt qu’il présente en tant que processus. En effet, le BIM met en mouvement un élément essentiel : la Data.

La Data est l’information relative à la structure, à son architecture et à ses équipements. Directement prélevée sur le site par des experts, elle est intégrée à la maquette numérique où elle pourra être visualisée et gérée en temps réel par l’ensemble des intervenants.

En résumé, les avancées spectaculaires observées lors de la mise en application du BIM dans le secteur du bâtiment découlent directement de l’extraction et de l’exploitation en temps réel des données.

Mise en application

L’utilisation du BIM, en tant que nouvelle méthode de gestion de l’information, suppose le recours à un ensemble d’autres technologies qui augmentent considérablement ses possibilités.

L’opération de centralisation et de partage des informations est rendue possible par l’intégration du projet BIM au format IFC dans le Cloud, ce qui permet à l’ensemble des intervenants de gérer en temps réel le déroulement du projet.

Des logiciels de modélisation (tels Revit, AutoCAD, Bentley Architecture, ArchiCAD, etc.) sont employés à la création de la maquette numérique qui servira de support unique aux différents corps de métiers du bâtiment.

Des logiciels de calculs et de simulation seront ensuite utilisés au cours du processus BIM pour l’ajout de données supplémentaires, nécessaires par exemple aux opérations de maintenance du bâtiment ou pour tester ses performances thermiques.

Enfin, en couplant l’implantation du BIM à l’utilisation du DRIM (Deconstruction and Recovery Information Modeling), la précision des données obtenues permet de mener une analyse approfondie des structures et ainsi d’anticiper leur évolution dans le temps : la manière de concevoir les constructions, d’en assurer l’exploitation et la maintenance, s’en trouve profondément renouvelée. Le DRIM offre la possibilité de connaître dès la phase de conception du bâtiment quel sera son impact environnemental et de prévoir l’intégralité de son cycle de vie : le recyclage de ses matériaux en cas de démolition, la revente de ses composants, ou encore la manière dont il pourrait être reconstruit en cas de sinistre. Cette possibilité d’anticipation qu’offre le BIM explique en grande partie le remarquable succès que rencontre aujourd’hui son développement.

Le BIM à l’assaut des grands enjeux de la transition environnementale

Alors que la France a entamé son mouvement de transition énergétique, tous les regards se tournent vers le secteur du bâtiment, à lui seul responsable de 25% des émissions de gaz à effet de serre et présenté comme le plus gros consommateur d’énergie en France. Faire émerger de nouvelles manières de construire est désormais la préoccupation première des acteurs du secteur. Toujours plus nombreuses, les entreprises de bâtiment travaillent à asseoir leur engagement écoresponsable par la mise en œuvre de nouvelles méthodes constructives. Le recours au BIM se révèle alors d’un appui considérable pour bâtir des structures moins énergivores, dotées d’équipements plus performants et pleinement efficients.

La maîtrise du BIM constitue effectivement une solide réponse aux enjeux du réchauffement climatique et de la transition énergétique. Son utilisation permet non seulement de lutter contre le gaspillage des ressources en réduisant le temps nécessaire aux chantiers, mais aussi de parvenir à une gestion optimale de l’énergie en améliorant la conception du bâtiment et en anticipant son évolution dans le temps. Si pour l’heure la législation n’a pas encore généralisé l’utilisation du BIM à l’ensemble des chantiers, la mise en vigueur de la RE2020 qui régira le secteur de la construction neuve au cours des années à venir, risque fort d’accélérer son développement. En effet, la nouvelle réglementation n’évaluera pas seulement les performances énergétiques du bâtiment, elle prendra également en compte sa quantité d’émissions de gaz à effet de serre et ses taux d’énergies renouvelables. Depuis 2015, l’intérêt de l’État français pour le BIM n’a cessé de croître, le gouvernement considérant l’intégration du numérique au sein du secteur du bâtiment comme le plus solide moyen de faire émerger un nouvel écosystème plus respectueux de la planète. Si la maquette numérique reste encore aujourd’hui principalement utilisée en phases de conception et de programmation, le Ministère Chargé du logement a récemment pris l’initiative d’encourager son utilisation en phase d’exécution et tout au long de la mise en œuvre des chantiers, en lançant un appel à projets “BIM CHANTIER” pour 2022. La procédure de candidature est déjà ouverte sur le site du Ministère.

Une technologie d’avenir

De toute évidence, le BIM n’a pas fini de faire parler de lui : avec l’arrivée de la 5G et le développement de l’IoT, la perspective de sa démocratisation au cours des toutes prochaines années semble bel et bien se dessiner. Nouvel outil numérique en perpétuelle évolution, la modélisation BIM n’a pas encore dévoilé toutes ses possibilités : la manière de générer et d’utiliser la Data sera probablement l’un des principaux enjeux du développement de cette base innovante de données informationnelles.

L’essor du BIM marque le début d’une nouvelle ère qui ne concerne pas seulement le secteur du bâtiment. Si son rôle face aux enjeux environnementaux est indéniable, sa capacité à décupler les possibilités d’agir sur le réel ouvre également la voie à l’émergence de nouveaux métiers spécialisés dans sa maîtrise.